6 mètres, les enseignements de Ouagadougou, Burkina Faso

Les habitants de Ouagadougou appellent « 6 mètres » l’ensemble des rues entre les maisons à cour. Si leur dimensionnement approche souvent six mètres, ce n’est pas obligatoirement le cas. Leur caractéristique première et constante est l’absence de bitumes. Un sol bosselé, au grès des passages, des vents et des pluies qui ralentit les machines motorisées et s'imbibe des eaux des foyers. Un sol balayé qui permet de se rencontrer, de prendre soin et de cohabiter. Un sol remodelé qui accueille, dans le prolongement des cours, les activités de la vie quotidienne et les usages variés des enfants, des femmes et des hommes. 

Nous avons pu habiter dans une de ces maisons à cours partagées avec trois autres familles dans le quartier de Samandin. La plupart des activités domestiques (cuisiner, laver le linge et la vaisselle, étudier, jouer, célébrer…) se déployaient dans cette cour et mobilisaient les femmes et les enfants des familles. Nous participions à ces activités, les enfants étant le plus souvent nos instructeurs pour les tâches et nos liens avec les familles.

À Ouagadougou, l’appareil photo est rarement le bienvenu dans les 6 mètres, le dessin lui, transforme la méfiance des habitants en bavardages. Le dessin sur le terrain nous a permis d’engager plus facilement la conversation, de demander la permission et surtout, grâce aux nombreux kiosques à photocopieuse dans la ville, de laisser une copie à nos interlocuteurs.
Le climat et le soleil plombant ont écourté de nombreuses fois les arpentages dans les 6 mètres. Nous nous sommes réfugiés à l’abri d’un kiosque ou à l’ombre d’un arbre pour nous rafraîchir et nous désaltérer. Ces limites corporelles et environnementales ont été à l’origine des rencontres et de découvertes de « points de chute ». Des lieux, majoritairement des kiosques, où nous aimions revenir plusieurs fois, car ils offraient des points de vue sur des activités spécifiques ou parce qu’ils étaient placés à des carrefours d’usages variés et évolutifs, à l’origine d’une fraîcheur rare, ou encore parce qu’ils étaient tenus par une cuisinière hors pair, une personnalité atypique ou avec un voisinage accueillant…